L’annonce par Macron de la contre-réforme des retraites, souhaitant passer l’age de départ à 64 ans mais surtout après 43 annuités, met le feu aux poudres. L’objectif n’est pas seulement de nous faire travailler plus longtemps, car les seniors ne sont pas vus comme « rentables » par les patrons et dans les faits personnes ne cotisera réellement 43 ans. Le véritable objectif est de créer des retraites de misère pour pousser les gens vers des fonds de pension privés. C’est la volonté d’attaquer le système par répartition pour tendre vers un système par capitalisation. Autrement dit un système inégalitaire, ne servant plus à garantir une retraite à tout le monde mais seulement à celles et ceux qui peuvent payer, le tout en enrichissant des entreprises privées.
Alors que les classes populaires vivent déjà très difficilement l’inflation, puisque tout augmente sauf les revenus, cette volonté d’attaquer encore plus les plus pauvres pendant que Bernard Arnault vient de devenir l’homme le plus riche du monde avec près de 189 milliards d’euros de fortune personnelle et que les bénéfices du CAC40 explosent, est vécue comme une injustice. Faisant suite à d’autres mobilisations sociales pour les salaires ou les conditions de travail, comme dans les raffineries ou à la SNCF, la mobilisation pour une retraite pleine à 60 ans peut faire masse, en s’appuyant justement sur les secteurs mobilisés dans les derniers mois, sur les mouvements types Gilets Jaunes, ou encore sur les luttes écologistes, comme celle contre les méga-bassines, dont on sait qu’une démonstration de force est prévue fin mars. Si la grève pour le retrait de la contre-réforme se développe et tient, la mobilisation du 25 mars en Poitou-Charentes pourra être un moyen supplémentaire d’affaiblir le pouvoir et de faire grandir la contestation sur plusieurs fronts, avec toujours l’objectif de construire des passerelles entre les luttes. Reste à savoir aussi, pour que la mayonnaise prenne, si la jeunesse saura se mobiliser et si la colère présente dans la société va prendre parti pour la contestation et faire son entrée sur la scène publique.
La journée de grève du 19 janvier va être déterminante pour la suite mais on le sait aussi largement insuffisante pour gagner. C’est bel et bien d’une mobilisation générale dont nous avons besoin, combinant plusieurs tactiques de lutte, mais ne faisant pas l’impasse sur deux choses : la construction d’une grève sur la durée et un travail de conviction auprès des travailleurs/ses et de la population. Il faut refuser les luttes minoritaires et minorisantes pour construire les conditions d’une lutte de masse, seule capable de faire reculer Macron. Cela veut dire qu’il faut convaincre sur le fond et proposer des actions radicales. Les journées de grève en saute mouton ne peuvent pas être une solution sur la longueur. S’il est évident que pour mobiliser au départ une journée d’appel est importante, il faut rapidement poser le sujet d’une grève sur plusieurs jours, en travaillant entre toutes et tous, syndicats, partis, collectifs, et en défendant l’auto-organisation et la coopération. Auto-organisation au sens où les travailleurs/ses doivent se réunir sur leurs lieux de travail pour discuter et décider. Coopération au sens où il faut mettre les sectarismes à la poubelle et travailler ensemble, privé, public, jeunes, vieux, syndicalistes ou non, membres de parti ou non. Il nous faut mettre nos forces en commun car ce qui se joue dans les prochaines semaines nous concerne toutes et tous.
Ce qui se joue, justement, ce n’est pas seulement la retraite. C’est aussi les lendemains politiques pour notre pays, l’Europe et le monde. En cas de défaite sur cette bataille sociale, nous ouvrons grandes les portes à une victoire de l’extrême-droite. Celle-ci, en embuscade, ne va pas s’engager dans la lutte mais se positionne pour la retraite à 60 ans et en alternative réactionnaire à Macron. En cas de défaite Le Pen n’apparaîtra pas comme perdante. Nous si. En cas de victoire en revanche nous reprenons la main et remettons au centre de la vie politique le sujet social. Par ailleurs une défaite mettrait le pouvoir dans un état de faiblesse absolu et la question d’une révolution peut devenir une possibilité. Entendons-nous bien : nous ne vivons pas une période révolutionnaire, mais la période est très instable et beaucoup de choses peuvent émerger très rapidement. Il faut nous tenir prêts à agir et cela implique de combiner une politique unitaire et une perspective anticapitaliste.
Pour un parti anticapitaliste, unitaire, ouvert…
C’est cette différence d’approche là – ainsi que des désaccords sur le fonctionnement, sur l’internationalisme (notamment l’Ukraine) et les luttes autonomes des femmes et des LGBTI+ – qui ont emmené à la séparation du NPA en plusieurs groupes se revendiquant du NPA. Mais au-delà de la « guerre de légitimité » qui est peu intéressante et surtout peu cohérente de la part de celles et ceux qui construisent leur propre petit parti depuis des années en se moquant du NPA, il faut regarder les positions politiques défendues par les un·es et les autres. Le NPA officiel, pour faire vite, incarné par Philippe Poutou, Olivier Besancenot, Pauline Salingue, Christine Poupin, porte une orientation visant à combiner unité et radicalité. Dans une période sans révolution, où la droite et l’extrême-droite est à l’offensive sur tous les fronts pour attaquer les immigré·es, les droits sociaux et démocratiques, la justice climatique… la cristallisation des désaccords sur le thème « réforme ou révolution » n’a pas de sens. Cette différence existe et il ne s’agit pas de mettre les idées révolutionnaires à la poubelle. Il faut même continuer à dire que seule une politique anticapitaliste jusqu’au bout sera à même de changer nos vies. Il faut construire un parti qui défend cette perspective, sans ambiguïté. Mais la question de la rupture révolutionnaire est stratégique : pour prendre le pouvoir il faudra, à un moment, dans la lutte révolutionnaire, engager une rupture avec l’état, avec les institutions, etc. Cela n’est pas une politique défendue par les dirigeant·es de la NUPES. Mais est-ce que cette question stratégique se pose de façon immédiate ? Non. Ce qui se pose de façon immédiate c’est la résistance au rouleau-compresseur néolibéral et le risque fasciste. Or, face à cette immédiateté, la réponse tactique est l’unité de notre camp social, du bas et du haut, c’est-à-dire sous toutes ses formes syndicales, politiques, associatives. Via cette unité, via cette résistance collective, nous pouvons reprendre la main et gagner une bataille. En gagnant une bataille, dans la rue ou électoralement parlant (sait-on jamais), nous ouvrons des possibilités politiques. Dans le monde où nous vivons, où le néolibéralisme s’est hyper-développé, la moindre victoire collective peut prendre un caractère révolutionnaire sans avoir de contenu révolutionnaire préalable. C’est là justement que l’on comptera sur un parti révolutionnaire pour donner des pistes, un horizon, que ce soit stratégiquement (comment prendre le pouvoir ?) ou idéologiquement (quelle société voulons-nous?). Et c’est là aussi, dans la montée des luttes, quand les questions du pouvoir ou de la société à construire se posent concrètement pour les masses (dans des AG, sur les lieux de travail, dans les quartiers…) que les oppositions entre réformistes et révolutionnaires auront un sens.
C’est pourquoi il nous faut un parti révolutionnaire ouvert et unitaire. Un parti ouvert aux différentes traditions du mouvement ouvrier communiste, libertaire, écologiste, féministe, antiraciste… Un parti ouvert aux expériences de lutte, aux résistances, en France et dans le monde, y compris en défendant sans retenue nos camarades d’Ukraine. Un parti radical, puisque comme on l’a vu il est nécessaire de porter une dimension de rupture pour renverser le capitalisme. Et enfin parti unitaire, c’est-à-dire un parti qui fait de la politique, pas de la religion. Un parti qui tente des choses sans remettre en cause ses fondamentaux. Un parti qui ose, tactiquement mais aussi sur le fond, en entamant une vraie refonte programmatique qui prenne en compte les nouvelles luttes, et différentes traditions révolutionnaires. Les luttes qui s’invitent dans les prochaines semaines nous donne une grande responsabilité, mais aussi un espoir immense. Ne nous ratons pas.
Alexandre Raguet