Dans un article de la PQR concernant la nouvelle élue municipale Alexandra Duval, celle-ci explique que des temps en non-mixité vont être mis en place, notamment dans les infrastructures sportives, de façons à y donner l’accès aux femmes, et plus particulièrement aux jeunes filles.
Nous avions nous aussi défendu cette idée-là dans notre programme (lire à partir de la page 50).
Cette proposition répond à un problème majeur qui est la non-mixité de fait des garçons, et des hommes, dans ces structures. On sait aussi que dans les villes en moyenne 75% des budgets publics destinés aux loisirs des 8-20 ans profitent aux garçons (source « La ville faite par et pour les hommes » de Yves Raibaud). La non-mixité est donc un moyen de mettre en avant une pratique « féminine » du sport, et de faire émerger une parole féminine dans un milieu très marqué par les hommes. (Vous pouvez retrouver de nombreux éléments intéressant dans cet article de Bastamag).
Par ailleurs, dans la réalité là encore, la non-mixité existe. En effet, les sports collectifs « officiels » sont quasi-systématiquement non-mixtes. Le football, le handball, le basketball, le rugby, sont rarement pratiqués en mélangeant les femmes et les hommes (sauf très jeunes). Il serait pourtant intéressant de mêler les espaces de non-mixité, la possibilité même de clubs non-mixtes, avec des espaces de mixité réelle, par exemple regroupant des équipes de football avec des femmes et des hommes. Mais pour que cette mixité soit efficiente, il faut dans un premier temps que les femmes puissent construire leurs propres structures, leurs propres discours, et cela passe par des espaces « safe » .
Pour que cette « mixité sportive » puisse se faire il faut en créer les conditions. Cela passera d’abord par l’appropriation de l’espace public par les femmes ainsi que les équipements sportifs et culturels. Cela doit se faire en lien avec la lutte contre le harcèlement de rue, le patriarcat, etc. Mais également en concertation avec les femmes de chaque quartier ainsi qu’avec les associations et collectifs féministes pour recenser les besoins dans ce domaine.
Autrement dit la non-mixité est un outil de lutte féministe.
Aussi, il serait drôle, si ce n’était pas affligeant, de voir le PS de Poitiers se positionner en défenseur de la République face à ces féministes ! Ces partisans de « la république Une et Indivisible », qui s’offusquent de la non-mixité sur certaines plages horaires dans des complexes sportifs, n’ont rien fait de concret pour lutter contre le sport « masculiniste ». Pire même : des centaines de milliers d’euros sont versés aux sports « professionnels » alors que l’équipe féminine de football des 3 cités ne reçoit que quelques centaines d’euros. Ainsi, une fois encore, la professionalisation du sport, principalement masculine, prend le pas sur la pratique sportive des femmes. Et le PS d’invoquer la « république » comme argument pour… s’en prendre à la lutte de femmes !
Bien entendu l’objectif du féminisme n’est pas de séparer les femmes des hommes. Néanmoins, la société actuelle est machiste. De ce fait, il est nécessaire de mettre en place des outils et des moyens pour protéger et lutter. Cela doit aussi passer par une autre éducation, dès le plus jeune âge, dès la crèche et l’école, ainsi qu’une formation contre les discriminations pour les éducatrices et éducateurs sportifs, et cela prend du temps. Mais il y a aussi besoin de mesures plus radicales, immédiates, pour rompre avec l’état de faits. Aussi, rendre accès à certains lieux à des jeunes filles est une position juste, d’urgence, et légitime. La mixité, nous la souhaitons toutes et tous, mais elle doit se faire sur une base d’égalité et de respect. On en est loin aujourd’hui.
Et nous pouvons conclure sur ce « loin » . Car en réalité la question de la pratique physique et sportive n’est pas déconnectée du reste de la société. Si peu de femmes prennent ce temps pour une pratique sportive ou de loisir [ou n’ont pas ce temps] c’est aussi parce ce que ce sont elles qui, majoritairement, s’occupent des enfants, des personnes âgées, des tâches ménagères, des courses, etc. C’est pourquoi il faut réduire massivement le temps de travail et continuer les combats féministes contre la société patriarcale. Il faut une société égalitaire sur ce plan-là aussi.
Manon Labaye et Alexandre Raguet