Dossier : Arrêter le nucléaire en moins de 10 ans, c’est possible et nécessaire !

Risque permanent de catastrophes et de contamination radioactive, gouffre financier, opacité, omerta, répression des opposantEs… le nucléaire est une énergie dépassée du passé. Pourtant, le lobby met des moyens de propagande énormes pour prétendre contre toute évidence que l’électronucléaire serait une solution au dérèglement climatique. Absurde ! Pour atteindre un mix mondial à 50 % d’électricité nucléaire (actuellement 10 %), il faudrait construire 2 000 réacteurs, mobilisant sur la planète entière des ressources en eau de refroidissement. Sachant que les réserves d’uranium pour les 441 réacteurs aujourd’hui en service seront épuisées dès 2070 et qu’il faut entre 5 et 10 ans pour construire une centrale, le nucléaire est « hors délai ». Et surtout « hors sujet » car l’électricité c’est 20 % de la consommation mondiale d’énergie… et le nucléaire, c’est 2 % de l’énergie brûlée sur la planète !

Dossier réalisé par la Commission nationale écologie du NPA

Sommaire.

  • Pour un arrêt du nucléaire et une socialisation du secteur de l’énergie
  • Notre programme pour sortir du nucléaire
  • Crises sociale et climatique : sortir du capitalisme, c’est urgent !
  • Du tout-pétrole au tout-électrique, la totale impasse du tout-auto
  • Janco (veni, vedi) vici : « Le monde sans fin », Champ caché nucléaire ?

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Pour un arrêt du nucléaire et une socialisation du secteur de l’énergie

En France, 70 % de la production d’électricité vient des centrales nucléaires. Annonçant en décembre 2020 la construction de 6 EPR1, d’un porte-avions et d’un sous-marin nucléaires, Macron a réaffirmé : « Sans nucléaire civil, pas de nucléaire militaire, sans nucléaire militaire, pas de nucléaire civil ». Cette relance du programme nucléaire a un alibi, la voiture électrique, et s’appuie sur ses influenceurs patentés qui avancent masqués.

La filière nucléaire est au bord de la faillite. Les 6 EPR coûteraient plus de 50 milliards d’euros à EDF, qui doit aussi débourser 100 milliards d’euros pour rénover ses centrales, 18 milliards d’euros pour le chantier EPR en Angleterre plus les surcoûts liés à divers fiascos (EPR Flamanville, opérations en Amérique latine…). L’État a injecté 4,8 milliards d’euros dans Orano, 3 milliards d’euros dans EDF, sans parler du démantèlement et de la gestion des déchets. Ces coûts titanesques seront payés par les usagerEs.

La privatisation d’EDF avec maintien d’une entité nucléaire publique est un exemple criant de socialisation des coûts et de privatisation des bénéfices. Dans un marché libéralisé de l’énergie livré à la concurrence capitaliste, les requins du secteur laissent durablement à la charge de la société toutes les conséquences sociales, économiques, environnementales et sanitaires. Les dividendes versés aux actionnaires d’EDF (22 milliards d’euros en 13 ans) auraient été plus utiles à développer les énergies ­renouvelables (EnR).

Un monopole public de l’énergie, secteur « essentiel »

Le productivisme capitaliste pousse à la consommation et crée des marchés socialement inutiles. Le principal gisement d’énergie, c’est d’abord les économies : arrêt des gabegies, du tout-auto, des gadgets inutiles, de l’obsolescence programmée … au profit d’appareils sobres en énergie, de l’isolation thermique, de la maîtrise de l’éclairage public, d’une politique de transports cohérente et efficiente…

En plein déni sur les risques d’accidents et au lieu de développer les EnR, le gouvernement s’obstine à imposer de fausses solutions : prolonger les centrales vieillissantes, construire des EPR, enfouir les déchets de haute activité à Bure (Cigeo2)… La PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie) est un gaspillage éhonté de fonds publics : les compteurs Linky (6 milliards d’euros), l’EPR (19 milliards d’euros), Cigeo (35 milliards d’euros)… ou encore ITER3 (20 milliards d’euros) pour produire 500 MW pendant 6 minutes !

Les entreprises d’État du nucléaire se comportent en multinationales sans scrupules, comme Orano-Areva qui soutient la dictature au Niger. Le NPA propose leur mise sous contrôle total par les salariéEs et usagerEs, sans indemnités ni rachat. Et, pour satisfaire les besoins d’électricité, de créer un monopole public de l’énergie, débarrassé du nucléaire. Le mode actuel de production hyper-centralisé doit évoluer vers un maillage énergétique sur tout le territoire, permettant aux populations de contrôler et de décider en fonction des besoins prioritaires, tout en veillant à préserver la biodiversité. Cela permettrait aussi de centraliser l’évaluation des potentiels d’économies énergétiques, de mise en place des EnR et même d’assurer un transfert gratuit des technologies EnR vers les pays du Sud, permettant un développement écologiquement viable.

En Europe, une coopération doit permettre une mutualisation des productions d’éolien off-shore, de géothermie dans le nord, de solaire dans le sud… afin d’assurer un approvisionnement constant, dans le cadre d’un accord de service public européen.

  • 1.EPR : réacteur dit de « 3e génération » en construction à Flamanville.
  • 2.Cigeo : centre de stockage souterrain de déchets nucléaires en construction à Bure.
  • 3.ITER : réacteur d’essai à fusion nucléaire en construction à Cadarache.

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Notre programme pour sortir du nucléaire

Le NPA a élaboré un scénario d’arrêt du nucléaire : d’abord en finir avec le gaspillage, réduire la consommation électrique et satisfaire les besoins réels, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Une démarche logique, avec des arguments difficilement contestables, en liant les questions environnementales aux questions sociales, seule façon réaliste d’être antinucléaire. Démonstration.

Réduire la consommation électrique

Pertes en ligne et consommation des centrales

Un arrêt des activités nucléaires économiserait au moins 20 TWh (les seuls réacteurs consomment 24 TWh). De plus, environ 32 TWh sont perdus en ligne. Ces pertes peuvent être largement réduites en dix ans par la baisse de la consommation, la modernisation d’équipements et surtout grâce au développement des EnR en local. On pourrait ainsi économiser 1/4 des pertes (8 TWh minimum), soit au total 28 TWh.

Chauffage

En France, au moins 30 % des foyers sont équipés de chauffages électriques (5 % en Allemagne), consommant plus de 60 TWh par an. C’est une aberration : 1 W consommé utilise 3 W thermiques ! Nous proposons donc l’interdiction de nouvelles installations de chauffage électrique, comme en Autriche ou au Danemark, et son remplacement dans 10 % des logements chaque année. Economie minimum : 40 TWh.

Éclairage public et domestique

Il faut obliger les entreprises et les collectivités à réduire leurs éclairages et équiper les foyers de lampes basse consommation et d’appareils économes. Sur les 45 TWh consommés, cela permettra une économie de 8 TWh dans le tertiaire et le domestique, 8 TWh dans le non-résidentiel et le public, soit 16 TWh.

Industrie et commerce

Nous proposons l’interdiction des panneaux lumineux publicitaires, la révision des normes sur le froid industriel, la suppression progressive de la climatisation (sauf nécessité : hôpitaux, EHPAD…), l’amélioration de l’isolation des locaux et une réglementation thermique instaurant des bâtiments à énergie positive. Une politique de sobriété énergétique qui s’appuierait sur la socialisation des secteurs clés de l’économie entraînerait, pour les grosses entreprises, la mise en chantier de moyens de production propres (micro-éoliennes, panneaux solaires…). Sur les 120 TWh consommés, l’économie potentielle est au minimum de 20 TWh.

Normes des appareils électriques

Une étude de Greenpeace sur quatre types d’appareils électroménagers montre que 17 TWh peuvent être économisés en 10 ans, et bien plus en l’appliquant à tous les appareils. Selon l’ADEME, les « mode veille » consommeraient en permanence 2 300 MW (soit 2 réacteurs nucléaires) ; les supprimer sur 10 % des appareils économiserait sur 10 ans 20 TWh.

–> Total économies = 141 TWH

Développer les énergies renouvelables

L’éolien terrestre et offshore

L’exemple allemand est éloquent : en 2020 la puissance installée (54 900 MW) a produit 112 TWh ; en 2030, 91 000 MW (dont 20 000 MW d’éolien en mer, malgré un littoral bien moins favorable que le nôtre) produiront 141 TWh.

Nous proposons d’installer 3 000 MW par an (1 000 éoliennes au sol de 3 MW par exemple). Soit, sur dix ans, 30 000 MW produisant 54 TWh (pour un fonctionnement a minima de 1 800 h/an correspondant à une grande partie du territoire). Les vents en mer, plus réguliers et plus puissants permettent à raison de 16 000 MW en dix ans, de produire 56 TWh (pour 3 500 h/an).

Le micro-hydraulique

Les grandes installations (barrages) ne peuvent plus être développées sans mettre en péril les écosystèmes et les modes de vie des populations. En revanche, l’implantation d’unités de production micro-hydrauliques (moins de 1 MW) est possible. Cela permettrait d’installer facilement et rapidement 9 TWh.

Le solaire

Le soleil produit 8 000 à 10 000 fois la consommation actuelle de l’humanité ! En capter une infime partie permettra demain de résoudre la majorité des problèmes énergétiques. Les progrès réalisés sont considérables et ne cessent de s’accélérer. Si on impose à toute construction neuve des panneaux photovoltaïques (et des chauffe-eau solaires) sur 20 % des surfaces bâties (en France, 100 km2/an), on produirait 26 TWh en prenant les plus mauvais rendements. Et sur le bâti ancien, en programmant 350 MW par an, on parvient en 10 ans à 4 TWh.

La cogénération, la géothermie et autres

Sous-utilisée dans l’industrie et les grands réseaux de chaleur, la cogénération, qui consiste à produire de la chaleur et en même temps de l’électricité, peut être largement développée. Potentiel minimum : 20 TWh.

Nous sommes loin d’avoir exploité la diversité des EnR : la géothermie (la Suisse, avec un potentiel bien moins bon que la France, prévoit de produire 4 TWh), l’hydrolien (l’énergie des marées et des courants marins ou fluviaux), le micro-éolien… Potentiel estimé en dix ans : 30 TWh

–> Total énergies renouvelables = 189 TWH 

Une électricité sans nucléaire ni effet de serre, c’est possible

Consommation électrique : 460 TWh. Avec notre plan d’économies (141 TWh), la consommation annuelle pourrait donc se réduire à 319 TWh

Production d’électricité non nucléaire : 165 TWh dont 127 TWh en EnR (65 en hydraulique + 40 en éolien + 12 en solaire + 10 en bioénergies) et 38 TWh en énergies fossiles.

Pour satisfaire les besoins d’électricité sans nucléaire, il faudrait donc produire en EnR 319 – 165 = 154 TWh (192 TWh sans énergies fossiles).

C’est possible : avec notre scénario prudent, nous disposons de 189 TWh.

MW ? TWh ?

MW (mégawatt = 1 million de watts) : unité de puissance électrique (EPR : 1 650 MW)

TWh (térawattheure) : énergie produite (ou consommée) en 1 000 heures par 1000 MW (total consommation foyers France = 150 TWh sur un total de 460 TWh)
Source : bilan RTE France 2020.

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Crises sociale et climatique : sortir du capitalisme, c’est urgent !

700 personnes environ se sont déplacées sous la pluie pour dénoncer la prolongation de 10 à 20 ans supplémentaires de fonctionnement de cette centrale prévue initialement pour 30 ans d’activité (déjà 10 années de trop), le projet avancé de construction de 2 nouveaux réacteurs EPR et le développement du site ICEDA de stockage de déchets. Plus d’une cinquantaine d’associations appelaient dans le cadre d’un collectif, dont des suisses. Le NPA Rhône-Alpes, son porte-parole Philippe Poutou et Solidarité de Suisse ont manifesté pour l’arrêt du nucléaire civil et militaire et la création d’un service publique de l’énergie, renouvelable.

Le marché dérégulé de l’énergie pousse à la baisse du « coût du travail ». Dans les centrales nucléaires, un agent EDF sur deux partant à la retraite n’étant pas remplacé, les nouveaux embauchés sont envoyés « au feu » avec peu de formation. 30 000 travailleurEs extérieurs, précarisés, assurent 80 % des activités de maintenance des centrales. Concurrence exacerbée, moyens de radioprotection insuffisants, prises de risques et stress permanent accentuent encore davantage l’exploitation et la mise en danger des travailleurs.

Urgence écologique, urgence sociale

Notre scénario de sortie du nucléaire répond aussi à l’urgence sociale. Toutes les études convergent désormais : à investissement équivalent, on crée bien plus d’emplois durables dans les EnR que dans le nucléaire. De plus, les EnR produites localement entraînent naturellement un maillage territorial.

Il y a du travail pour plusieurs décennies dans les installations à l’arrêt. Leur suivi et la gestion des déchets va mobiliser toutes les compétences des travailleurs du nucléaire. Il faudra réaliser cette reconversion dans de bonnes conditions : embaucher des travailleurs en CDI afin de garantir une protection et une sécurité efficaces pour eux-mêmes, pour la population et la planète. En finir avec la folie capitaliste, surmonter les inconvénients de certaines EnR grâce à la recherche et à notre intelligence collective, ce sera la tâche d’un vrai pôle énergétique public, non soumis à la dictature du marché, sous contrôle des salariéEs et des usagerEs. Un projet enthousiasmant pour lequel il y a urgence à nous mobiliser !

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Du tout-pétrole au tout-électrique, la totale impasse du tout-auto

L’active présence du lobby automobile a marqué la COP26 lors du débat « transports » : tout a tourné autour de la voiture électrique, avec la fin du moteur thermique en 2035. Mais cet horizon est problématique, il est très discuté.

C’est ainsi que, pendant de très nombreuses années encore, se construiront des voitures à moteur thermique dont nous connaissons pourtant le rôle catastrophique dans le réchauffement climatique. Mais, même de manière chaotique, le processus de remplacement est maintenant lancé. Et c’est dans cette conjoncture que le cap des 2 milliards de voitures individuelles est en vue au niveau mondial, tout comme celui des 40 millions en France.

En France, la double imposture de la voiture électrique

Elle est tout sauf une voiture « zéro émission » ! Globalement, de la fabrication de la voiture et des batteries jusqu’à sa mise à la casse, électrique et thermique se valent. Lithium et cobalt posent d’énormes problèmes : si on va au cours du siècle vers 3, voire 4 milliards de voitures électriques, c’est un désastre. Et elle se révèle alors pour ce qu’elle est, un élément central du greenwashing.

La voiture électrique, appelée aussi en France « automobile », et la filière nucléaire se soutiennent dans une rhétorique imparable, se justifient l’une l’autre, font système : « véhicule zéro émission + énergie décarbonée = solution climatique ». Un système infernal, une fuite en avant de tous les dangers justifiant la prolongation/rafistolage des réacteurs, EPR, Cigeo, ITER, SMR1

Sortir du « tout-auto » : une urgence absolue

C’est une vraie révolution qu’il faut : arracher la filière auto des mains des actionnaires, socialiser les deux groupes, pour donner priorité absolue aux transports publics avec reconversion générale de l’activité, avec maintien de tous les effectifs, des équipes. Et engager sans attendre une révolution culturelle tellement nous avons été happés par le productivisme automobile du capitalisme : oui, nous prendrons les transports en commun, d’autant plus qu’ils seront gratuits, nous savons marcher et nous savons rouler à vélo ! Avec une production auto très largement diminuée, oui, nous saurons aussi instaurer un autre usage, un usage partagé de la voiture !

  • 1.SMR : mini-réacteurs sous-marins implantés le long des côtes, que Macron souhaite développer.

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Janco (veni, vedi) vici : « Le monde sans fin », Champ caché nucléaire ?

Nous ne reviendrons pas sur les nombreuses voix critiques qui se sont déjà exprimées sur « l’imposture écologique » du personnage Jean-Marc Jancovici1.

Ingénieur issu de Polytechnique et l’École des mines, deux fabriques à nucléocrates, fondateur de Carbone 4, société-conseil en bilans carbone, et de l’association The Shift Project, il propage les mensonges classiques sur le nucléaire comme « arme de préservation du climat », comme « énergie non carbonée » et sur la taxe carbone comme outil miracle de « responsabilisation » des entreprises.

Altercapitaliste (ses sociétés, à but lucratif, sont financées par les multinationales), autoritaire, inégalitaire et sexiste (il essentialise de prétendus « rôles » politiques genrés en évacuant toute inégalité sociale par rapport à l’énergie), il prône une expertocratie fleurant bon le mépris de classe propre aux écoles d’élites. Et quand il résume Fukushima2 à « un problème médiatique majeur », il flirte aussi avec le négationnisme écologique. Bref, tout le contraire de l’écosocialisme3.

  • 1.Voir : https://reporterre.net/Jancovici-une-imposture-ecologique
  • 2.Lire : https://lanticapitaliste.org/arguments/10-ans-apres-fukushima-larret-du-nucleaire-cest-urgent
  • 3.Lire notre dossier « Face à la crise climatique, l’urgence écosocialiste » : https://lanticapitaliste.org/category/notre-presse/revue-lanticapitaliste-ndeg129-octobre-2021

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