Texte du NPA 86 suite à des départs et des accusations

Le NPA Poitiers est accusé. La sincérité de l’engagement féministe de ses militant.e.s est violemment remise en cause. Sur quelles bases ?

Des « faits » ?

Un licenciement qui est contesté officiellement par le camarade en question. La procédure est toujours en cours et les élus du personnel se sont exprimés contre cette décision de l’entreprise. Il y a un décalage très important entre ce qui est dit sur le sujet à l’extérieur par certain.e.s, ce qui est inscrit sur la lettre de licenciement que nous avons pu consulter et ce que nous dit le militant sur tout cela.

Des « témoignages » ?

Des confidences d’une camarade concernant sa vie intime et dont l’interprétation qui en est faite est réfutée par la concernée.

Cela suffit à certain.e.s pour prononcer un verdict à l’égard de celui qui bénéficie immédiatement d’une « présomption de culpabilité ». À partir de là, toute parole ou silence, toute action de sa part – ou des militant·e·s du NPA – est interprété dans le cadre de cette culpabilité. Cela tend même vers une forme de complotisme. Par exemple, le NPA aurait exclu un autre militant responsable d’une agression sexuelle pour protéger ce camarade. Ce dernier aurait été au courant de l’agression depuis un moment mais aurait caché l’information aux autres militant·e·s. Le NPA aurait tardé pour s’exprimer sur une affaire de violences sexuelles touchant une autre organisation pour (encore et toujours) protéger ce même militant, etc. Tout cela est faux !
Il faut sortir de cette querelle stérile.

Comme tous les combats d’émancipation, le combat féministe est traversé de différentes stratégies. Si nos objectifs sont les mêmes, nos tactiques peuvent diverger.

Nous ne nions rien. Nous ne minimisons rien. Nous n’empêchons personne de parler. Nous questionnons une stratégie. Nous avons organisé sur le sujet une réunion non mixte et une réunion en mixité. Nous cherchons à croiser les informations, à objectiver, à penser les situations dans leurs complexités. Nous essayons d’être rationnel·le·s, d’être le plus juste possible dans nos décisions et de coller aux valeurs qui sont les nôtres dans notre militantisme du quotidien : féminisme, antiracisme, écologie…

Nous ne nions pas la reproduction de comportements machistes au sein du NPA et, bien entendu, il faut les combattre. Mais à trop se focaliser sur les rapports de dominations individuels, on peut en oublier les mécanismes, structurels, qui les perpétuent.

Doit-on reproduire des comportements que l’on condamne ? Comme la négation du principe même d’espace privé. Ou le fait de parler pour l’autre, de se répandre sur des confidences sans même solliciter au préalable l’accord de intéressée.

Si la victime présumée est, comme certain·e·s le prétendent, dans le déni et sous l’emprise de son compagnon, ces accusations sont-elles la meilleure façon de l’aider à s’en émanciper ? Sont-elles le meilleur moyen de libérer sa parole ? N’est-ce pas casser une relation de confiance que l’on cherche à instituer ? Cela ne la mettrait-elle pas potentiellement dans une situation de risques de représailles face à son bourreau présumé ?

Plus globalement, agir en ignorant les conséquences concrètes soulevées par ces questions, nous semble plus dangereux qu’aidant pour une victime, présumée ou réelle. Sa parole doit être respectée, ses temporalités aussi ; la barrière entre l’aider et l’agresser est fragile. Nous condamnons ces méthodes.
Concevoir une victime seulement dans le déni ou sous emprise dès que ce qu’elle exprime ne convient pas à la personne qui écoute, mettre en cause systématiquement sa capacité à être souveraine de sa parole, de son libre-arbitre, de la perception de sa condition humaine sur un sujet qui la concerne en premier lieu, c’est problématique pour quiconque se revendique d’une pensée émancipatrice. C’est porter sur elle une forme de point de vue misérabiliste, aussi disqualifiant que celui du bourreau qui l’a considérerait comme « inférieure » pour des raisons similaires.

Pour ce qui nous concerne, nous retenons de cet épisode la possibilité qui nous a été donnée de mettre ces questions au centre de nos débats internes, nous forçant à sortir de nos routines.
Nous retenons la confrontation des idées et des points de vue, toujours féconde. Nous retenons le questionnement salutaire de nos mécanismes, individuels et collectifs, de reproduction des formes de domination.

Mais ces acquis ne peuvent ni ne doivent gommer la possibilité d’une appréciation différente des stratégies à mettre en œuvre pour parvenir à notre objectif commun. Ils ne doivent pas non plus occulter la nécessité de faire vivre et, surtout, de respecter la démocratie interne à notre organisation politique : parce qu’il y a désaccord dans une réunion (non mixte ou pas), dans la rédaction d’un compte rendu, il n’est pas admissible d’invectiver voire de harceler par appels, SMS, e-mails, et sur les réseaux sociaux les camarades qui expriment un point de vue différent ou qui préfèrent ne pas s’exprimer, qui sont attaché·e·s à des cadres respectueux de chacun.e et sereins de discussions collectives permettant de prendre les décisions les plus éclairées et rationnelles par rapport aux situations posées.

Plus que jamais, il est nécessaire que se poursuive, avec toutes et tous, le débat sur les mécanismes à mettre en œuvre pour garantir que ces questions puissent être débattues plus rapidement et plus sereinement, et surtout collectivement. La création d’une cellule de veille en charge de ces questions, dans un cadre inter-organisations unitaire, est en cours. Cette cellule conseillera et accompagnera les organisations, pour qu’elles prennent leurs responsabilités et sanctionnent les agresseurs qui en seraient membres. Elle ne pourra agir qu’avec l’accord et dans le respect des décisions de la victime.

Nous nous engageons à y participer activement dès qu’elle sera en place. Nous proposons qu’elle offre un cadre de discussion efficace qui nous permette d’avancer, dans le respect de toutes les paroles. Un cadre qui nous permette de discuter collectivement stratégies et tactiques dans la lutte pour l’émancipation des femmes.

Messages virulents, propos définitifs et condamnations sans appel ne nous y aideront pas et ne
serviront pas le féminisme, auquel nous croyons plus que tout.

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