Quelle position sur la police ?

Alors que les États-Unis s’embrasent suite au meurtre de George Floyd, afro-américain tué par un policier, nous re-publions ci-dessous un texte sur la police et notre positionnement. Le début du texte traitant de Daesh, nous l’avons enlevé pour en venir uniquement au cœur du sujet.

« En effet les « forces de l’ordre », qu’elles soient de n’importe quel système politique – de républicain à fasciste – sont basées sur un État qui défend un ordre établi et la domination d’un petit groupe d’individus (aujourd’hui en France, celle d’une classe sociale parasitaire, les capitalistes) sur la majorité (sur nous tous). Elles ne sont pas neutres. Elles véhiculent un esprit de violence. Elles ne sont nullement un « service public » pour la « sécurité de toutes et tous ». Non, ça, c’est pour la bonne conscience républicaine. En fait, « parce qu’il institue, selon le mot de Marx, un état «  d’insécurité perpétuelle  », le capitalisme a toujours exacerbé le besoin social de sécurité ». Les capitalistes en ont besoin (de sécuritaire) pour « maintenir » l’ordre, pour garder le pouvoir.

Denis Godard, dans l’Anticapitaliste n°292, revient sur la caractérisation de la police : « L’ordre du système est un ordre basé sur les inégalités et leur reproduction. En dernier ressort, cet ordre est imposé par la violence directe imposée par la police et l’armée. Cela devrait suffire à déterminer notre rapport à la police si les «  désordres  » prenaient toujours la forme évidente d’une opposition claire entre dominéEs et dominants. Mais il existe un consentement à la police au sein même de la classe des dominéEs d’une part parce que la violence s’exerce souvent entre dominéEs eux-mêmes (vols, violences sexistes et racistes…). D’autre part parce que ces violences encouragent l’idée que le seul ordre possible est celui du système existant. La seule alternative serait la jungle… ». Plus loin, l’auteur de l’article déconstruit l’idée d’une police de médiation au quotidien : « Tout le monde sait bien que la police ne met pas les mêmes ressources pour un téléphone volé ou un appartement cambriolé que pour une banque braquée. Ce n’est cependant pas là l’activité principale de la police, pas plus que la régulation de la circulation. Les principaux postes de la délinquance visent notre classe  : les délits liés à l’action de la police elle-même (révoltes et outrages), les délits liés à la consommation de «  shit  » et les infractions aux lois iniques contre les étrangers. ».

La police n’est ni plus ni moins qu’un instrument de domination d’une minorité afin de maintenir son pouvoir. Les exemples de crimes policiers ne manquent pas : morts de Zyed et Bouna (et tou-tes les autres dans les quartiers populaires), mort de Rémi Fraisse, l’affaire du Raimbow Warrior, l’assassinat de Éloi Machoro par la police coloniale française (et tou-tes les autres mort-es ou blessé-es victimes de la colonisation – sans parler des guerres coloniales), les milliers de sans-papiers expulsé-es et malmené-es chaque années, les camps de Rroms démantelés, rappelons-nous aussi le rôle joué par la police française durant l’occupation, et les centaines de milliers de juives et juifs déporté-es jusqu’aux camps de la mort… où son rôle contre les grèves et les luttes du mouvement ouvrier qui secouèrent le 19ème et le 20ème siècle, allant jusqu’à tirer des balles réelles dans les foules d’ouvrier-es.

La police joue toujours le rôle que lui ordonne le pouvoir. Elle est fidèle à l’État, à l’ordre social. C’est pourquoi elle effectue les tâches les plus sombres sans rien dire, et c’est pourquoi elle est, avec l’Armée, l’une des forces des contres-révolutions (en cela, l’exemple chilien est le plus caractéristique). Nous souhaitons une société où cet appareil anti-démocratique et d’un autre âge sera remplacée par des acteurs sociaux, où le dialogue sera rétabli, la diversité célébrée et les inégalités effacées. Alors, non seulement nous refusons l’armement des polices municipales, mais nous en demandons la dissolution. Pour nous, les médiations dans une société, pour aider les femmes dans leurs luttes contre les violences, pour stopper les criminels, pour endiguer le terrorisme, passe par l’élaboration de structures sociales. A titre d’exemple, nous considérons qu’une structure spécifique de lutte pour les droits des femmes serait plus à même de les aider que la police et parfois la justice. Le cas de Jacqueline Sauvage est en ce sens révélateur d’une police et d’une justice « patriarcale ».

Laurent Ripart, sur son blog Mediapart, résume rapidement l’offensive sécuritaire du moment : « Menant la lutte des classes par des moyens policiers, ces politiques sécuritaires visent les quartiers populaires. Elles modèlent l’espace du néo-libéralisme en opposant les zones d’habitats populaires, stigmatisées comme des «  espaces de non-droit  », aux quartiers des classes dominantes qui sont sécurisés par un arsenal de technologies liberticides, dont les 935 000 caméras de vidéo surveillance recensées en 2012 par la CNIL en France constituent l’exemple le plus emblématique. ».

Nous savons très bien que la police, en plus d’être face à nous lorsque nous gravirons le mur de la révolution, est un instrument de violences contre les jeunes, les « racisé-es », les plus démuni-es (SDF), les militant-es les plus actives et actifs, dès aujourd’hui. Nous ne disons pas seulement « pour résoudre les problèmes de sécurité, faites la révolution ! » (bien que cela reste une solution.). Nous rappelons simplement que la violence vient du système pour sa grande part, et que lutter contre le système, c’est lutter pour l’harmonie sociale. A quoi bon voler lorsque l’on est comblé, que tous les besoins de l’Humanité sont assurés ? Une vraie politique de partage des richesses et d’appropriation collective de ces richesses est la seule qui vaille pour mettre un terme à l’insécurité véhiculée par le système qui créé du manque et de la violence (policière, symbolique).

Toute politique sécuritaire est en soi une dérive, un frein au pouvoir de « ceux et celles d’en bas ». Il serait fort appréciable que la gauche dite alternative mette tout son poids dans la balance contre l’idéologie sécuritaire dominante, plutôt que de jouer sur ce terrain, dans l’idée de gagner en crédibilité. Se faisant, elle ne fait que renforcer les arguments sécuritaires. Ceux-ci – à travers une novlangue assimilant sans vergogne liberté et sécurité – étaient à la base prônés uniquement par l’extrême droite. En jouant sur la division et les peurs, elle a réussi à les faire reprendre par la quasi totalité de l’échiquier politique, instillant son idéologie dans toute la société. Il faut donc absolument amener les débats politiques et sociétaux ailleurs que sur la sécurité ; un contre-discours est urgent. Et non les solutions aux problèmes sociétaux ne se trouvent dans aucun programme sécuritaire, peu importe son degré. Mais elles existent. Y compris dans le système actuel, il est possible de faire mieux, en renforçant « la gauche de l’Etat » c’est-à-dire la santé, l’éducation, la culture… dans l’optique de changer la société toute entière (jusqu’à renverser l’État capitaliste globalisé qui ne sert qu’à asseoir le contrôle des classes dominantes).

Concluons avec Laurent Ripart, à nouveau « Il est urgent de démanteler la vidéosurveillance qui ne cesse de s’étendre dans les rues de nos villes. Il faut aussi abroger les arrêtés municipaux qui ciblent la jeunesse et les SDF, à l’exemple des arrêtés contre la mendicité ou contre la consommation d’alcool sur la voie publique, qui n’ont d’autre fonction que de criminaliser la grande pauvreté. Il faut enfin interdire les polices municipales, avant que l’extrême droite ne s’en empare dans les villes qu’elle s’apprête à conquérir, en tirant les leçons d’Orange où Bompard utilise la police municipale pour harceler les immigrés et museler son opposition. ». »

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