Le NPA et la liste Poitiers Anticapitaliste ont été interpellés pour participer à une rencontre en visio-conférence avec Poitiers Collectif et Osons 2020, dans le but de trouver un accord politique. Cette invitation émane des personnes ayant lancé cette pétition (ici). Vous trouverez ci-dessous notre réponse afin d’être les plus transparents possible sur les démarches et nos prises de positions.
Merci pour l’invitation à débattre.
En préalable, la liste « Poitiers anticapitaliste » n’a pas fait 5% et ne peut pas participer au second tour. Les discussions qui ont commencé entre Poitiers collectif et Osons 2020 pour une éventuelle répartition des places ne nous concernent donc pas.
Mais peut-être y aura-t-il à nouveau deux tours. Les cartes seront redistribuées et nous rediscuterons, bien entendu, comme nous le faisons toujours.
Nous avons toujours dit que nous étions pour une liste la plus unitaire possible. La question est donc : pourquoi ce qui a pu se faire dans certaines villes, comme à Bordeaux par exemple, n’a pu être possible à Poitiers ?
Nous nous sommes déjà exprimés en détail sur l’impossibilité d’un accord pour le 15 mars (ici).
Pour aller vite, avec Poitiers collectif : pas d’engagement sur le refus d’une fusion avec le PS et la question de la gratuité des bus ; avec Osons 2020 : si la position sur la gratuité a évolué (tant mieux) l’exacerbation du « citoyennisme », qui nie les classes sociales et les partis, n’a cessé de se renforcer. Sans parler des difficultés de débattre du bilan d’Osons 2014, notamment des problèmes de démocratie interne (qui sont à nos yeux essentiels quand on prône une alternative). Nous vous communiquons, à l’occasion de ce message, le bilan interne que nous avions fait d’Osons 2014 et que nous avions transmis sur leur liste interne : par souci de garder l’unité, nous ne l’avions pas rendu public.
Nous avons rencontré une fois Poitiers collectif à leur demande et deux fois Osons 2020 à notre demande. Nous avons répondu positivement et participé à l’initiative d’union lancée par Aurelien F qui souhaitait unir toutes les forces politiques à la gauche de Claeys. Ces rencontres n’ont pas abouti.
Mais l’essentiel n’est sûrement pas là.
Ces élections municipales arrivaient dans un contexte pas banal. Depuis novembre 2018 et le début du mouvement des gilets jaunes, relayé par les mobilisations contre la réforme des retraites, les mobilisations contre ce gouvernement n’ont pas cessé. Sans parler des mobilisations féministes, écologiques, anti-racistes…
Pour le NPA, il n’était pas possible de faire abstraction de cette situation politique nationale. Même dans le cadre d’élections locales. L’Etat est omniprésent dans la gestion des communes avec la DGF et avec la préfecture qui vérifie la légalité de ce que fait le/la maire. L’austérité budgétaire imposée a un impact très important sur la gestion communale, comme le subventionnement d’actions ou de projets, qui s’apparente à du clientélisme en direction de tel ou telle maire.
La question de cette situation politique nationale est encore renforcée avec l’épisode de la pandémie. Qu’il s’agisse de l’origine et du développement du virus ou de la gestion de la « crise sanitaire » par le gouvernement ainsi que les conséquences économiques qu’elle va avoir : tout ceci nous oblige à dénoncer le système capitaliste. D’autant plus que l’addition des conséquences va nous être présentée et que l’austérité, en l’absence de mobilisation, va être renforcée pour la grande majorité de la population, mais aussi pour les instances locales.
La question des institutions est également importante. Nous ne pensons pas qu’il soit possible de construire le socialisme dans une seule commune. Il faut le dire. Car si nous ne le disons pas, nous provoquerons, une fois de plus, des désillusions chez celles et ceux qui pensent qu’une politique « de gauche » à l’échelle municipale pourrait changer leur vie. Il suffit de regarder le bilan de la mairie de Grenoble (ici). Sans les habitants de la commune et leurs mobilisations, il ne sera pas possible de faire de grands changements, pas possible de contester une politique d’austérité budgétaire nationale qui se répercute localement, et des élus de « gauche » se retrouveront à arbitrer des budgets toujours plus pauvres. Sans mobilisation, il ne sera pas possible de peser sur la préfecture qui pourrait déclarer illégale telle ou telle mesure. Il faut favoriser l’auto-organisation dans les quartiers et le contrôle des élus. Réapprendre à prendre nos affaires en main sans la laisser à des spécialistes : la révocation des élus est la garantie que, si une gauche arrive au pouvoir, elle n’aura pas les mains libres pour trahir.
Un autre point concerne l’articulation citoyen·es / parti politique. Derrière ce débat, il y a la question des classes sociales. Nous ne sommes pas toutes et tous dans le même camp. Il y a les premier·es de cordée et les premier·es de corvées. Cette question est gommée par l’emploi unique ou quasi-unique du terme « citoyen ». Toutes et tous les militant·es du NPA sont des citoyen·es comme les autres mais qui appartiennent à une classe sociale et qui veulent défendre les intérêts de cette classe. Nous avons fait le choix de nous organiser car une organisation politique n’est pas un objet ponctuel. C’est un collectif militant qui a une histoire, une réflexion collective, qui prend des initiatives et est tout aussi respectable que tout autre type de regroupement. On entend parler du rejet du politique mais c’est plus un rejet du jeu politicien où quelques-uns (élus, experts, commentateurs et éditorialistes mainstream…) décident pour tous les autres dans les seuls intérêts de la classe dominante. On le voit dans les mobilisations qui sont des périodes où l’action fait évoluer la pensée. Il faut favoriser l’auto-organisation. Les travailleurs et les travailleuses, comme les jeunes ou les retraité.es doivent reprendre leurs affaires en main. Des élections, même municipales, peuvent y contribuer. Au minimum, ces idées peuvent-elles y être popularisées. Enfin, pour conclure la réflexion sur ce point, il n’y jamais eu autant de listes « citoyennes » à cette élection (à droite comme à gauche) et jamais eu autant de division entre les listes. Comme quoi les « méthodes miracles » qui empêcheraient tout désaccord et donc éviteraient la division, l’effacement obstiné des « étiquettes », au nom de la croisade contre le sectarisme dont les forces politiques seraient porteuses, n’ont pas eu plus d’efficacité qu’une discussion entre forces politiques et personnes non encartées, dans un collectif unitaire qui souhaite défendre quelques principes clairement définis, ce que nous avons proposé tout au long de ces 12 derniers mois. Nous n’opposons pas « citoyen » à « militant » ; nous pensons que tout le monde a sa place dans un collectif unitaire où il y a un souci de respect d’une démocratie interne digne de ce nom. Nous ne rejetons pas les étiquettes, nous revendiquons au contraire leur pluralité, car quoiqu’on en pense, même en crise, les organisations politiques restent des boussoles pour nombre de personnes qui ne fréquentent pas forcément un cercle militant restreint. Nous le vérifions tout au long de l’année dans de nombreux collectifs unitaires auxquels nous participons.
La crise politique que nous subissons aujourd’hui va renforcer tous ces éléments. Mensonge d’Etat, privilégier l’économie par rapport à la santé, un capitalisme qui veut déjà relancer la machine pour retrouver ses profits et servir les actionnaires… ces éléments politiques constituent le cadre de ce que sera le 2ème tour des municipales ou le recommencement des deux tours. Il sera encore moins possible de ne pas en parler.
Et avec cette crise une nouvelle petite musique est en train de grandir : celle de la souveraineté, de la relocalisation. Le NPA a toujours défendu un internationalisme militant. Nous refusons d’opposer les travailleur·euses entre eux et elles. Bien souvent derrière le mot « souveraineté », il y a la question du souverainisme et donc de l’État-nation qui serait plus protecteur contre la mondialisation capitaliste. Mais le problème de la mondialisation capitaliste, c’est « capitaliste » ; pas forcément « mondialisation ». Il est évident que la question de l’autonomie alimentaire et de l’agriculture pose la question des relocalisations. Mais pour toute la planète. Aujourd’hui le supposé « bien être » d’une minorité de la population mondiale s’appuie sur le pillage des ressources de matière première et agricole des pays du sud au détriment des conditions de vie des populations. C’est uniquement la recherche du profit maximum qui organise la production à l’échelle mondiale.
Alors, oui : il y a matière à débattre, si on ne veut pas que le monde « d’après » ressemble à celui « d’avant ». Oui, nous avons des points communs avec d’autres listes, et heureusement d’ailleurs : c’est ce qui fait que nous nous reconnaissons comme « de gauche ». Mais, oui aussi, il y a de vraies divergences. Les nier seraient nier nos collectifs, et s’empêcher de construire une unité.
Après débat, c’est sûr, certaines différences peuvent être aplanies ou juger non vitales pour ces élections. Mais comment organiser ce débat et qui va trancher ? Les 53 camarades de la liste Poitiers anticapitaliste et celles et ceux qui l’ont soutenue comptent autant que les 214 signataires de votre appel.
Si le premier tour était annulé et réorganisé, nous préférons un débat avec toutes celles et ceux qui souhaitent militer ensemble (pas seulement avec des représentants de différentes listes et en présence physique, car parler de tout ça derrière un écran ne nous semble pas très réaliste).
Pour conclure, nous vous communiquons le bilan dressé par notre camarade Alexandre sur ces élections (ici).
Salutations militantes,
Poitiers, le 15 mai 2020
Par le comité NPA86 et les militantEs de Poitiers Anticapitaliste
3 commentaires sur “Lettre de Poitiers Anticapitaliste sur la division et l’unité lors des municipales”