À l’heure du déconfinement et de la grave promiscuité dans les transports en commun, dans de nombreuses villes des pistes cyclables temporaires ont été mises en place, prises sur les voies auto. L’idée d’une révolution nécessaire dans les modes de transport fait son chemin. Du 17 mars au 11 mai, les villes ont été libérées de l’emprise de l’auto, sans que nous ayons pu, il est vrai, en explorer tous les bienfaits.
Le vélo a été extrêmement populaire pendant plusieurs décennies au 20e siècle avant d’être balayé par le tout-auto. Dans le contexte du réchauffement climatique et du Covid-19, il coche toutes les (bonnes) cases : faible empreinte écologique, bon pour la santé, réparable, son usage massif fait reculer les accidents de la circulation, son parc est important (36 millions dont près de 10 millions ne servent jamais), son prix est abordable, un important marché d’occasion existe. Au million près, le parc de voitures individuelles est le même que celui des vélos et il a doublé depuis 1980.
Dès juillet, « retour à l’anormal » ?
Quelle « reprise » ? Embouteillages en ville, flux permanents sur les autoroutes vers les lieux de vacances pour ceux qui partent, et absence notoire de trains de nuit ? Et le vélo avec sa popularité en forte hausse mais restant assigné pour l’essentiel à la case « belles aspirations » ? Ce serait donc la poursuite des tendances de ces dernières années, avec un petit retour de la pratique du vélo en ville (pas toutes et surtout dans leur centre), mais un recul de son usage dans les classes populaires, en zones rurales, parmi les enfants et ados. Dans les cités à habitat exclusivement collectif, le recours au vélo est quasi nul. Comme au plan social, c’est l’abandon.
Prendre le vélo au sérieux
Bogota (Colombie) et Copenhague (Danemark) peuvent être étudiées pour leur politique volontariste d’investissement global dans le vélo, de désinvestissement vis-à-vis de l’auto. À l’heure du réchauffement climatique, alors qu’en France 50 % des déplacements vont de un à sept kilomètres, il faut promouvoir par tous les moyens la pratique quotidienne du vélo. L’Ademe, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, secteur mobilité, chiffre les dépenses à 30 euros/habitantE/an pour passer de 3 % des déplacements à vélo à 9 % en 2024 (contre moins de 6 euros actuellement). En périphérie des villes, en zone rurale, auprès de la population qui prend de l’âge, le vélo à assistance électrique a tout son rôle à jouer. Il faut insister sur le fait que partout en zone d’habitat collectif des abris à vélos sûrs, accessibles et gratuits sont une condition première. De même que les vélos en libre accès pour l’usage ponctuel, et la possibilité de combiner avec les transports en commun. L’école pourra aussi jouer son rôle.
Reconversion du secteur auto
Le trafic auto doit reculer, à très court terme, partout et notamment en ville. Renault et PSA devront être retirées des mains des actionnaires, condition de toute réorientation/reconversion de la production principalement vers les transports en commun. On pourra alors aussi relancer la fabrication de vélos de qualité à prix abordable. Rappelons que Peugeot a été leader dans le domaine. Un réseau dense de distribution/réparation pourra se constituer avec les emplois stables et qualifiés qui vont avec. Et dans le même mouvement décider de l’arrêt immédiat de la production scandaleuse et irresponsable de SUV par les deux constructeurs, décision concrète et symbolique de la plus haute importance.
Commission Nationale Ecologie du NPA
Prendre (enfin) le vélo au sérieux !
Le temps du vélo serait-il venu ? Nous ne reviendrons pas sur l’importance du vélo comme solution de transport, ni sur la prise de conscience due à la crise sanitaire et aux grèves des transports. Nous ne suspecterons même pas toutes celles et ceux qui font des déclarations fracassantes de sacrifier à des effets de mode. Mais nous voulons aborder quelques aspects « techniques », « stratégiques » et « politiques » incontournables, selon nous, pour que tout ceci ne soit pas qu’un simple écran de fumée.
On le sait d’expérience, le gros défaut de la plupart des plans vélo dans les villes, c’est l’incohérence, génératrice de danger. TouTEs les cyclistes urbains connaissent les pistes peintes qui se terminent, pour le maigre flot des téméraires à vélo, au milieu d’un rond point, ou sur un rétrécissement de la chaussée. Souvent, elles s’arrêtent là où il aurait fallu construire une passerelle, tracer une chaussée spécifique, bref un peu plus que le coût d’un pot de peinture ! Si, comme promises, les « coronapistes » doivent être l’occasion de tester des itinéraires, de recenser les besoins de construction, de les faire évoluer afin de les pérenniser, elles devront éviter ces travers. Quant à la campagne, tout reste à faire, ou presque.
Le vélo… pour la vie !
Pour que ça change vraiment, les déplacements à vélo doivent être conçus comme une des alternatives à l’auto, en particulier pour les trajets courts et moyens : aller de chez soi au boulot ou sur son lieu d’étude, faire les courses… et pour cela les combiner avec les transports publics gratuits de qualité. En zone rurale, permettre d’accéder à vélo à des navettes qui rejoindront des plateformes de bus.
Prendre en compte que nombre de cyclistes sont des travailleurEs, c’est comprendre que le vélo n’est pas seulement pour la promenade du dimanche. Cela suppose de répondre à deux défis majeurs. D’abord, il faut que les pistes cyclables « aillent quelque part » (une école, un hôpital, une administration, une entreprise), qu’elles s’insèrent dans un plan de déplacement cohérent. Ensuite, il faut qu’à chaque étape de ces trajets, des équipements (prévus par la loi, pas laissés à la bonne volonté des décideurs ou des patrons) soient aménagés : des garages au pied des immeubles, devant les gares, dans les centres-villes, dans les zones commerciales et industrielles. Le versement transport peut en assurer une bonne partie du financement.
Pédaler, se mobiliser !
Pour que les travailleurEs aillent travailler en articulant vélo et transports en commun, il faut des droits du travail adaptés au vélo : prise en charge des frais de déplacement (le décret du 9 mai 2020 instaure le « forfait mobilité durable », mais facultatif pour les patrons !), prise en compte du temps de trajet sur le temps de travail, aménagement d’espaces dans l’entreprise pour garer son vélo (parkings couverts et sûrs) et pour le matériel (capes de pluie, sacoches), des vestiaires avec douches. Pour cela, il appartient aux travailleurEs et aux syndicats d’intégrer ces exigences dans leurs revendications. Le mouvement ouvrier doit porter les alternatives au tout-bagnole !
Pédaler, décider !
Enfin, il en est du vélo comme des transports publics, la parole des usagerEs est presque toujours ignorée… ce qui impose de s’en remettre aux quelques « décideurs » cyclistes, donc au hasard ! Là encore, comme pour les transports gratuits que nous revendiquons, qui mieux que les travailleurEs d’une zone industrielle pour savoir où tracer les pistes adaptées ? Qui mieux que les étudiantEs d’un campus pour décider des équipements nécessaires ? Qui mieux que les habitantEs d’une cité pour décider de la place des vélos au pied des immeubles ? Qui mieux que les habitantEs d’un village pour prévoir les aménagements nécessaires à leurs déplacements ? Alors oui, une des conditions d’un vélo « pas que pour les bobos », c’est plus de démocratie sociale !
Commission Nationale Ecologie du NPA