La période que nous vivons n’est réellement pas simple. Pas simple à vivre.
Depuis le 15 mars l’ensemble de la population française et même mondiale, est confiné.
Celles et ceux qui ont du continuer à travailler, dans des boulots dont les besoins étaient essentiels ou non, une fois sortis du travail, étaient elles et eux aussi confinés. Ce système-là s’est désormais étiré à tout le monde puisque le travail a repris.
L’objet de ce texte n’est pas d’avoir une approche scientifique mais politique. Je ne doute nullement de la dangerosité du COVID-19. Les personnes décédées depuis janvier montrent qu’il faut faire attention, se protéger… cela est indéniable.
Je souhaite uniquement publier un « billet d’humeur ».
Depuis le 11 mai, et même avant pour d’autres, le travail est redevenu la norme du quotidien de millions de personnes en France. A cette même date les écoles ont été ré-ouvertes, comme les collèges. Du moins pour une partie des élèves seulement, et malgré quelques couacs. Mais l’essentiel est là : c’est ré-ouvert.
Déjà nous voyons bien le premier parallèle facile à faire : l’école n’est autre qu’une garderie géante pour envoyer les parents au travail afin de relancer la machine économique, afin de relancer les profits.
Bien sûr au gouvernement on nous vend une autre histoire : il s’agit de lutter contre le décrochement scolaire, de redonner du lien social aux gens, etc.
Mais depuis quand ces préoccupations-là seraient-elles celles du gouvernement Macron ? Depuis quand les enfants en décrochage scolaire l’intéresse, alors même que depuis Chirac on supprime des postes, on ferme des classes, et particulièrement dans les quartiers populaires et à la campagne ?
Toutefois prenons acte qu’il y ait une volonté de relancer leur machine économique, c’est-à-dire précisément de relancer tout ce qui nous a mené à la catastrophe où nous sommes. Le rapport de force n’est pas réellement à l’avantage des salariéEs, surtout confinéEs, et surtout après des semaines de « non-vie » sociale, politique, syndicale.
En effet, comment s’organiser réellement lorsque l’on est chacunE chez soi ? Les systèmes de visio-conférence ont certes permis de maintenir le minimum de lien et de liant, mais on est très loin de l’organisation sociale enracinée dans la société.
De ce fait, nous reprenons le chemin du travail – du moins pour celles et ceux qui n’ont pas trop le choix même si là où cela est possible les droits de retraits ou les grèves peuvent se faire. Toutefois dans la vraie vie, la majorité des gens vont reprendre le travail.
C’est alors que se posent d’autres questions. D’abord que ce virus, ou du moins l’analyse qu’en fait le gouvernement, est très étonnant puisqu’il permet de travailler mais pas d’aller dans un bar. Il permet d’être dans le métro à des dizaines, collés les unEs aux autres, mais pas de se voir à plus de 10. Il permet d’être sur le pont pour bosser mais pas de réunir les salariéEs pour des réunions syndicales ou des manifestations. C’est marrant mais ce virus il est quand même très en adéquation avec les idées du MEDEF, et celles du gouvernement !
Allons les amiEs, ne soyons pas mauvais. Ce n’est pas comme si au début on nous disait que les masques étaient inutiles et que maintenant nous prendrons une amende si nous n’en portons pas dans le bus. Non, non, restons « républicains », respectons la Nation et l’unité du pays. Soyons de vraiEs patriotes ! S’il fallait encore un argument pour montrer la bêtise des idées patriotiques, en voilà une… L’unité nationale !
Et là tenez vous bien ! Parlons du risque de deuxième vague – oui car cette hypothèse est envisagée – tout est déjà prêt pour désigner les responsables ! Alors non je vous arrête : si le nombre de personnes touchées par le COVID-19 augmente ce ne sera pas à cause de l’école ni de l’usine. Encore moins à cause du métro. Non. Ça sera parce que vous, nous, individuellement, nous ne respectons pas les GESTES BARRIERES, et la distanciation dîtes SOCIALE. Bref, vous êtes nuls et même nulles, car il y en aura pour tout le monde. Avec vos apéros sauvages, vos manifestations alors que cela est interdit, vos réunions politiques d’organisations pas très fréquentables, voilà que vous aurez relancé l’épidémie, voilà que vous serez tenus comme responsables !
Donc le message est simple : restez chez vous, sauf pour aller bosser, sauf pour déposer et récupérer les gamins à l’école, sauf dans le bus, sauf pour tout ce qui est chiant d’habitude, ça, vous pouvez le faire ! Tout ce qui est cool et que vous faites avec vos amiEs, par contre non, ça vous laissez tomber parce que bon, quand même, c’est dangereux.
Je conclues là-dessus : cette situation montre à quel point ce monde et ses préoccupations primaires sont à l’opposé de l’épanouissement des êtres humains. Le capitalisme en période d’épidémie et sans les paillettes que nous nous confectionnons grâce aux libertés que nous avions encore, est mis à nu. Et une fois nu on peut voir à quel point il est liberticide, à quel point il n’a d’autre objectif que générer des profits en nous exploitant, à quel point il est froid, cupide, et surtout inutile à notre bien être. Dans le fond on voit aussi que, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, le capitalisme est un ennemi de la liberté lorsque celle-ci lui empêche de faire du fric. La seule liberté qui vaille c’est celle d’entreprendre… et encore, ça dépend qui, pourquoi et où.
Un monde idéal au contraire dans la période chercherait à garantir l’essentiel : la santé et le bien-être. La recherche serait à la pointe et publique. Le système de soins serait de qualité, et public. Et nous chercherions avant tout à aider les gens, pas à sauver une économie. Dans la logique anticapitaliste l’économie est au service des gens. Le capitalisme c’est l’inverse.
Il n’y aura donc pas de monde d’après car il n’y a pas vraiment eu d’instant Covid-19. Enfin si, il y aura sans doute des attaques sur les droits sociaux et démocratiques, mais cela reste le projet constant des capitalistes. La crise actuelle sera un prétexte pour le faire. Mais cette crise est surtout une crise comme le capitalisme en connaît régulièrement. Elle est certes un peu particulière, parce qu’elle est mondiale, parce qu’elle touche et tue celles et ceux qu’on aime, et parce qu’elle a mis à l’arrêt l’activité. Elle l’est aussi car elle peut avoir un effet traumatisant sur la masse de la population. Quand je dis qu’il n’y aura pas de monde d’après, ce n’est pas un souhait. J’insiste seulement sur le fait qu’il ne tombera pas du ciel et qu’il ne n’arrivera pas tout seul ce monde d’après : il nécessitera des luttes, une prise de conscience globale et même disons-le, une révolution. L’instant politique pour un monde d’après ce serait la révolution. Le COVID-19 pourrait en être un déclencheur, mais il ne peut l’être seul si une autre perspective de société n’est pas proposée, inventée, défendue… Nous approchons concrètement du moment « écosocialisme ou barbarie », ce d’autant plus avec les perspectives sombres des crises écologiques.
C’est pourquoi dès maintenant organisons-nous. Si nous pouvons travailler nous pouvons nous organiser. Si nous pouvons travailler et risquer nos vies, nous pouvons aussi manifester et élaborer un autre monde. Nous ne voulons plus jamais ça alors donnons-nous-en les moyens !
Alexandre Raguet
Poitiers, le 13 mai 2020.
NB : ce texte n’engage que son auteur.