La droite, parfois main dans la main avec l’extrême-droite, est à la manœuvre pour lutter contre les « rabats joies » écologistes, pour reprendre les mots de Marlène Schiappa, venue rejoindre la meute réactionnaire. Tout est parti de Bordeaux où le maire EELV, Pierre Hurmic, a annoncé la suppression du sapin de Noël cet hiver.
A Lyon, c’est sur le tour de France que s’est illustré le maire écologiste en dénonçant un événement « sexiste et polluant ». Dans un style plus « contournant », Léonore Moncond’huy, nouvelle élue poitevine, a plaidé pour que Poitiers accueille le tour de France féminin. Ces critiques, avec lesquelles il est difficile d’être en désaccord, le Tour étant effectivement – comme le reste de la société et du sport professionnel – bouffé par le fric et les logiques virilistes, ont donné lieu à des réactions extrêmement véhémentes de la part des fans et de nombreux politiques. Pourtant, il faut bien admettre que le cyclisme, comme le foot, doivent être radicalement révolutionnés afin que les pratiques « pro » soient plus proches des pratiques « amateurs » et donc réellement populaires. Il faut aussi admettre l’enjeu écologique et féministe, antiraciste et coopératif. Et cela n’enlève en rien le fait que le Tour de France est un événement populaire, que c’est une très belle course et qu’il faut le maintenir (en l’améliorant sur les aspects susnommés).
C’est cet ensemble de choses là qui fait monter les critiques contre des écolos qui seraient, par leurs positionnements dogmatiques, contre le peuple. Des gens qui n’aiment pas la fête, qui n’aiment pas s’amuser. Des « rabats joies », en somme.
En réalité, ce spectacle est affligeant. Les attaques de caniveaux, qui ne prennent que des petites phrases par ci par là, empêchent d’avoir une discussion de fond avec EELV sur ce que devrait être une politique écologiste radicale, qui réponde à la fois aux enjeux écologiques, mais qui donne, aussi, une perspective sociale pour un changement de société. Puisqu’on sera d’accords pour dire que l’histoire du sapin, à Bordeaux ou à Poitiers, importe peu.
C’est d’ailleurs le discours tenu par Philippe Poutou, élu d’opposition de gauche à Bordeaux :
« Mon beau sapin …
Il n’y avait pas de raison qu’il en soit autrement, mais comme partout, la droite bordelaise est bête, elle est réac, elle est ridicule. Sans doute pas complètement remise de sa gifle du 28 juin, là voilà qui saute sur toutes les occasions pour exister, pour protester contre la nouvelle mairie. Et le sujet qui la fait frémir après la conf de presse de Hurmic, c’est cette histoire de sapin de Noel qui ne sera plus installé à Pey-Berlan. L’édito du Sud-Ouest du vendredi suit d’ailleurs la même pente stupide, mélangeant tous les clichés droitiers voire extrême-droitiers. Donc cette droite et ses amis ont trouvé le sapin et le discours sécuritaire comme source d’excitation depuis quelques semaines. Le chômage, les licenciements et les fermetures d’usine, la précarité, la pauvreté, l’exclusion de milliers de gens, ça les touche moins. Et pour parler des violences quotidiennes, celles faites aux femmes (harcèlement, meurtres…), là aussi y a pas photo, ça ne les fait pas vraiment réagir. Non leur truc c’est le sapin devant la cathédrale. Leur fond de commerce c’est la délinquance dans les quartiers. Une délinquance ciblée car il ne s’agit pas de combattre les violences patronales, les pressions qui conduisent aux souffrances aux travail, les licenciements injustifiés, les fraudes au chômage partiel…
Les prochains débats au conseil municipal promettent de bons dérapages de politiciens obsédés par eux mêmes et qui se moquent en vrai des problèmes de la population. ».
Philippe Poutou, élu d’opposition de gauche à Bordeaux
Dans le même temps, à Buxerolles, dans la périphérie de Poitiers, le nouveau maire de droite, Gérald Blanchard, souhaite mettre en place la vidéo-surveillance. Et ce weekend, celui-ci a lancé une « polémique » via son compte facebook afin de lutter contre le dépôt « d’encombrants » sur la voie publique suite à un déménagement. Je ne dis pas que cela n’est pas ennuyeux pour le voisinage (y compris pour les personnes à mobilité réduite, les poussettes, etc.)… Toutefois, cela mérite-t-il une communication du maire ? On a là affaire au niveau zéro de la communication politique, qui monte en épingle des actes individuels afin de montrer « le chaos » dans la cité, dans le pays. Et pour en finir avec le chaos… ces politiciens professionnels ont des solutions : plus de flics, des armes, des caméras, des contraventions, etc.
Tous ces faits se placent dans un contexte particulier qui est celui de la poussée réactionnaire aujourd’hui en France, où les Eric Zemmour, les Pascal Praud, ont le vent dans le dos pour propager leurs idées à la télé. Droite, extrême-droite, et même le gouvernement, notamment à travers Darmanin, en profitent pour idéologiser le moindre acte. A titre d’exemple, la suppression des sapins de Noël serait le fruit d’une vision islamophile et anti-chrétienne des verts… Et pendant ce temps-là, on ne parle pas des licenciements, des bas salaires, du temps de travail trop élevé, de la misère, du racisme, etc.
Il est clair que nous ne sommes pas forcément en adéquation avec toutes les mesures prises par EELV. Du moins, le virage « écolo-libéral » affiché par Jadot a de quoi inquiéter. Les volontés affichées d’alliances avec le PS aussi. Cependant, les attaques venues du camp de la réaction ne doivent pas rester sans réponse. Il est urgent de remettre nos thématiques dans le débat public et de refuser de tomber dans le piège de la droite. Aussi, sapin ou pas, ce qu’il faut c’est améliorer le quotidien des habitantEs. Cela passe par des prises de positions symboliques et, là dessus, les maires écologistes répondent plutôt présents (sauf sur les polices municipales). Mais on est loin du compte pour le moment. Car s’il est vrai que la baisse des indemnités d’éluEs, la critique du sexisme et de l’homophobie, le plan « vacances pour tous » déployé à Poitiers, sont de très bonnes choses, il faut désormais prendre des décisions plus pérennes et plus radicales. Le climat trop chaud de ce mois de septembre nous rappelle une fois de plus qu’il faut agir. Mettre en place les bus gratuits, et plus fréquents, devient de plus en plus incontournable. Et c’est là un vrai sujet. Si la population et le mouvement militant devait s’emparer d’un dossier, c’est sans doute celui-ci : et si l’on essayait de rassembler 5000 signatures pour un référendum pour les bus gratuits à Poitiers ?
Ce serait au moins l’occasion, pour en temps, d’éteindre le feu médiatique de la droite qui a déjà bien assez duré…
Alexandre Raguet.